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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 08:44
Bertholet3.jpgSi tout son théâtre n’a pas encore été joué, (une création radiophonique de Farben est prévue sur les antennes de France Culture), Mathieu Bertholet est publié dans de prestigieuses collections et, comme je le disais dans ma première note, déjà couvert de prix. En discutant avec lui lorsque nous nous étions vus à Strasbourg en 2006, j’ai été particulièrement frappé de découvrir les réalités de sa condition, ainsi que son appréciation des dessous de la création théâtrale contemporaine. En réalité, ce monde, celui de Bertholet en tout cas, semble fortement codé, les carrières se construisant avec une sagacité toute stratégique. La première adaptation d’une pièce est ainsi capitale et le talent du dramaturge contemporain se jugera aussi par ses prédispositions à savoir dire non : il est déconseillé d’être avenant à toute proposition, et l’on n’acceptera pas d’être joué par la petite troupe amateur de Muflon-Les-Bouses, celle-ci porterait-elle d’excellentes visions sur la pièce, le risque de déforcer le curriculum vitae étant un enjeu avec lequel il n’est pas bon de trop jouer. Mais ces usages sont-ils seulement le privilège du théâtre contemporain ? Les secteurs artistiques contemporains fonctionnent avec plus ou moins de reconnaissance officielle, politique ou institutionnelle. Nous savons tous désormais que l’artiste, s’il désire être reconnu du grand public – cette ultime consécration – doit avant tout être reconnu par ses pairs, puis par les institutions. Seuls les concours de beauté, ou les formules du télé-crochet, ces émissions dont la télévision d’aujourd’hui abuse, permet à l’artiste de négliger les passages obligés que sont la reconnaissance des pairs et la légitimation institutionnelle. Dans le secteur de la bande dessinée, le jeune auteur inconnu, s’il s’aventure dans ce schéma de la reconnaissance, devra essentiellement compter sur le copinage : sur un an, dans la plupart des grandes maisons historiques, moins de 0,5 % des dossiers de bandes dessinées envoyés par des inconnus sont pris en compte et édités, ce sont toujours les auteurs publiés et déjà reconnus qui instruisent les décideurs sur les talents cachés ou en devenir. Dans le milieu de la bande dessinée, la reconnaissance institutionnelle – les bourses d’aide, l’attribution des prix, etc. – si elle n’est pas négligeable et tend à se renforcer (les efforts en ce sens sont notables depuis un dizaine d’année), n’arrive cependant pas encore à être aussi efficiente que la reconnaissance des pairs, voilà, semble-t-il une différence majeure avec celle du théâtre contemporain, distinction qui, dans les deux cas, oblige l’artiste a jouer aussi bien de fausseté que de stratégie. 
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commentaires

D
J'en profite pour replacer ici l'une de mes rares interventions sur les forums BD. Plaisir d'Internet et du copier/coller...<br /> <br /> Ce type de question, « combien de dossiers envoyés à un éditeurs aboutissent à un contrat d’édition », tout le monde peut la poser : les directeurs de collections, qu’ils soient issus de la bande dessinée ou de la littérature, s’ils sont souvent débordés de travail, n’en demeurent pas moins des personnes accessibles, autant que peuvent l’être certains auteurs. <br /> En réalité, le chiffre de 0,5 % est peut-être encore trop élevé ; c’est du moins ce que je pense. Sur une dizaine d’années, avec une réception hebdomadaire moyenne d’une trentaine de dossiers, un éditeur m’a affirmé n’avoir signé – sur dix ans, donc – qu’un seul dossier envoyé par voie postale et/ou Internet provenant d’une personne dont il n’avait jamais entendu parlé. Avec ce cas, on est loin de 0,5 %. <br /> Deuxième remarque. L’on pourrait penser, lorsque je dis que ce sont les auteurs qui instruisent les éditeurs, que ces derniers n’ont aucune initiative et qu’ils se laissent guidé par les avis des auteurs. Ce n’est évidemment pas la réalité, et ce n’est pas comme ça qu’il faut l’entendre, les éditeurs signent avant tout ceux qu’ils ont décidé de signer, bien entendu. Ce qui est commun cependant c’est que les éditeurs vont très souvent chercher chez les auteurs un avis qui confortera leurs choix, de même qu’ils présenterons un accueil naturellement intéressé aux dossiers de personnes inconnues que certains auteurs auront pu introduire auprès d’eux. Ces cas existent et débouchent souvent sur des contrats, même s’il serait par ailleurs faux de dire que ces exemples sont représentatifs du métier d’éditeur. <br /> Il y a certainement des personnes qui lisent ces lignes et qui comptent un jour envoyer un dossier de leur projet BD à quelques éditeurs. Que ce que je dis ici ne les décourage pas, la réalité reste il me semble bonne à savoir, percer dans la bande dessinée il y a quinze ans n’a rien à voir avec la réalité que nous connaissons aujourd’hui (j’entends par « percer » le fait de simplement réussir à signer un premier ouvrage bénéficiant d’une avance sur droits). Tout comme les milieux artistiques ont de tout temps fonctionné en réseaux, il existe malgré ce phénomène général des jeunes gens qui arrivent à se faire éditer dans de grandes maisons historiques par simple envoi de dossier et sans connaître personne dans le métier. J’en ai récemment rencontré un, d’ailleurs, preuve que ces cas rarissimes existent (j’ose dire rarissime puisque son éditeur n’avait jamais, de toute sa carrière, agit de la sorte avec un « total inconnu »). <br /> Il y a un troisième point que j’aimerais souligner et qui est une tendance qui tend à se généraliser : une part importante des éditeurs prend désormais en compte ce qu’Internet propose. Les sites et les blogs sont couramment consultés par les décideurs. Ce n’est pas qu’une mode, le blog d’un jeune auteur offre aussi à l’éditeur une évaluation de la réception du travail présenté, les liens, le nombre de commentaires, la valeur du « buzz », tout cela informe mieux qu’un simple dossier papier. (Car, surtout, arrêtons de croire que l’on puisse se faire signer pour son seul talent, c’est une vanité que de croire ça, on est signé parce que l’on est dans l’air du temps, parce qu’il y a un trou dans l’agenda d’une collection, parce que l’on est le bon copain de machin, pour toutes sortes de raisons, mais le talent n’est pas forcément la valeur première qui est prise en compte, certains éditeurs l’avouent d’ailleurs implicitement : ils s’accordent au mieux à dire qu’ils ont du « flair », l’expression parle d’elle-même.) Un autre effet que l’on constate avec les projets présentés via les blogs ou les sites montre que les rôles peuvent s’inverser : l’éditeur devient alors actif et l’auteur passif, ce n’est plus l’éditeur qui rappelle l’inconnu qui lui a envoyé un dossier papier mais c’est l’auteur qui est contacté directement par un éditeur. Si l’on a pu constater un nombre non négligeable de blogueurs se faire signer dernièrement, c’est pour de multiples et complexes raisons, et avec ce nouveau mode de prise de contact, l’un des avantages est que c’est l’éditeur qui possède un certain ascendant sur l’auteur ; il a l’avantage du service dirait-on dans la sphère sportive. Ceci est plus gratifiant et meilleur pour l’orgueil, du reste, il est plus agréable et excitant de découvrir le nouvel auteur perdu sur Internet que de signer un dossier venu sur le bureau et qui bien souvent est déjà connu de toute la concurrence. <br /> Que l’on ne me lise pas mal ici non plus : je ne conseille pas aux auteurs en herbe de se lancer dans le blog, du moins dans le blog comme on l’entend généralement, avec ses contenus fortement axés sur la littérature du moi ou du « petit rien », avec ses cadences de mise en ligne soutenues, ses esthétiques fortement modelées par les impérieuses lois de la productivité et de l’efficacité… Si je fais part des réalités que je connais personnellement, et qui ne sont en somme que l’expression de la vérité qui m’entoure, c’est uniquement parce que je m’étonne que personne ne semble les connaître, et encore moins les partager. <br /> [Je ne sais pas pourquoi, mais lorsque je m'exprime sur un forum, on se sent toujours un peu obligé de s'expliquer plus qu'il ne faut et d'être naturellement "sur la défensive", pas vous ?]
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D
Oui, cet évènement est très représentatif. Avec cet exemple, on comprend parfaitement comment certaines personnes désirent légitimer la bande dessinée. Par le transfert du produit BD vers d'autres sphères aux économies beaucoup plus importantes, par exemple...
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M
Pouah, théâtre et BD ! ...<br /> Pour le grand public, il faut du cinéma ! :<br /> http://www.actuabd.com/spip.php?article6329
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D
Rhôô... Effer, que dites vous là... La bande dessinée est un monde si masculin encore... Vous abordez un tabou que je ne saurai alimenter...
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E
Vous avez oublier qu'en plus il faut coucher!<br /> ^ ^
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