19 février 2008
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Si tout son théâtre n’a pas encore été joué, (une création radiophonique de Farben est prévue sur les antennes de France Culture), Mathieu Bertholet est publié dans de prestigieuses collections et, comme je le disais dans ma première note, déjà couvert de prix. En discutant avec lui lorsque nous nous étions vus à Strasbourg en 2006, j’ai été particulièrement frappé de découvrir les réalités de sa condition, ainsi que son appréciation des dessous de la création théâtrale contemporaine. En réalité, ce monde, celui de Bertholet en tout cas, semble fortement codé, les carrières se construisant avec une sagacité toute stratégique. La première adaptation d’une pièce est ainsi capitale et le talent du dramaturge contemporain se jugera aussi par ses prédispositions à savoir dire non : il est déconseillé d’être avenant à toute proposition, et l’on n’acceptera pas d’être joué par la petite troupe amateur de Muflon-Les-Bouses, celle-ci porterait-elle d’excellentes visions sur la pièce, le risque de déforcer le curriculum vitae étant un enjeu avec lequel il n’est pas bon de trop jouer. Mais ces usages sont-ils seulement le privilège du théâtre contemporain ? Les secteurs artistiques contemporains fonctionnent avec plus ou moins de reconnaissance officielle, politique ou institutionnelle. Nous savons tous désormais que l’artiste, s’il désire être reconnu du grand public – cette ultime consécration – doit avant tout être reconnu par ses pairs, puis par les institutions. Seuls les concours de beauté, ou les formules du télé-crochet, ces émissions dont la télévision d’aujourd’hui abuse, permet à l’artiste de négliger les passages obligés que sont la reconnaissance des pairs et la légitimation institutionnelle. Dans le secteur de la bande dessinée, le jeune auteur inconnu, s’il s’aventure dans ce schéma de la reconnaissance, devra essentiellement compter sur le copinage : sur un an, dans la plupart des grandes maisons historiques, moins de 0,5 % des dossiers de bandes dessinées envoyés par des inconnus sont pris en compte et édités, ce sont toujours les auteurs publiés et déjà reconnus qui instruisent les décideurs sur les talents cachés ou en devenir. Dans le milieu de la bande dessinée, la reconnaissance institutionnelle – les bourses d’aide, l’attribution des prix, etc. – si elle n’est pas négligeable et tend à se renforcer (les efforts en ce sens sont notables depuis un dizaine d’année), n’arrive cependant pas encore à être aussi efficiente que la reconnaissance des pairs, voilà, semble-t-il une différence majeure avec celle du théâtre contemporain, distinction qui, dans les deux cas, oblige l’artiste a jouer aussi bien de fausseté que de stratégie.