L’année 1917 est une période charnière dans la vie de Haber puisque c’est en 1917, à Ypres, que Haber a mis au point son célèbre gaz Ypérite. L’Ypérite tient bien entendu son nom de la ville d’Ypres. C’est en effet aux alentours de la ville d’Ypres, le 12 juillet 1917, que ce gaz fut pour la première fois expérimenté. Ceci est du moins la version historique officielle. Car dernièrement, M. Roland Crabbe, le bourgmestre de la petite station balnéaire de Nieuwpoort, sur la côte belge, tente, à quelques mois du centenaire de l’invention de l’Ypérite, de faire vaciller sur ses bases une évidence admise par tout le monde. Selon lui, l’Ypérite n’aurait pas été utilisée pour la première fois à Ypres le 12 juillet 1917, mais bien deux jours avant, le 10 juillet, à Nieuwpoort.
Certes. Mais pourquoi est-ce un bourgmestre et non un historien qui nous avise de cette information ? Monsieur le bourgmestre Crabbe ne manque pas de nous éclairer rapidement : les conclusions de cette erreur historique établies par ces amis historiens Bert Gunst et Kristof Jacobs sont pour lui simples et évidentes : il faut débaptiser le gaz, on ne devrait plus désormais parler d’Ypérite, mais bien de Nieuwporite.
C’est ensuite à Gunst et Jacobs d’être envoyés au front et d’apporter à la face des projecteurs des télévisions locales deux preuves irréfutables. La première se trouverait dans quelques lignes d’un journal de bord d’un soldat australien.
La seconde preuve apportée par Gunst et Jacobs a été puisée dans quelques maigres lignes écrites par l’historien australien Charles Bean (mort en 1968). Dans son immense Histoire officielle de l’Australie dans la guerre de 1914-1918 en douze volumes (pas moins de 10000 pages), il faut aller chercher le deuxième appendice « 2nd Tunnelling Company in the Affair at Nieuport » qui comporte quatre pages et y lire ces quelques lignes :
L’historien yprois Dominiek Dendooven, spécialiste de la question, m’a récemment rappelé non sans amusement que l’acception Ypérite n’est que très rarement employée en néerlandais (Ypres est le nom francisé de Ieper). En réalité, c’est mosterdgas qui fait usage.
Ceci rappelle tous ces pauvres mayeurs en mal d’idées pour créer du buzz autour de leur commune, tels ces tristes bourgmestres qui s’enflamment en avançant qu’ici leur village est le véritable centre de la Belgique, ou encore que ce village là-bas est l’officielle capitale de la fraise...
Quoiqu’il en soit, les remous médiatiques de M. Crabbe n’ont pas encore crée de grosses vagues ; l’affaire de la nieuwporite reste un non-problème flamand et - à part ce blog - aucun média francophone n’a encore estimé intéressant de faire état de la cuistrerie du Crabbe de Nieuwpoort.
Et cela est bien dommage, d’autant que M. Crabbe se donne régulièrement du mal. L’été dernier il s’était également fait remarqué - probablement de façon trop discrète à son goût - en réhabilitant quinze femmes et deux hommes condamnés pour sorcellerie. Tous avaient péri dans la région de Nieuwpoort sur le bûcher... entre 1602 et 1652. « D’autres communes suivront-elles le mouvement ? », lançait courageusement à l’époque notre Crabbe historien, « Quoi qu’il en soit, nous sommes fiers d’être les premiers ! ».
On attend avec une impatience non feinte la prochaine polémique de M. Crabbe. Une piste peut-être, si l’un de ses historiens de conseillers nous lit : ne serait-ce pas à un malheureux résident de Nieuwpoort que M. Louis Joseph Miremont aurait volé l’invention du jokari ? Il ne serait pas vain d’enquêter sur le sujet. Je me porte candidat pour établir les plans d’un éventuel jokari géant sur Albert I laan.