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14 octobre 2007 7 14 /10 /octobre /2007 00:47

Walther-Rathenau.jpgAmi d’Einstein, de Zweig et de dizaines d’artistes et de grandes personnalités de l’Europe, Rathenau était un capitaine d’industrie, un philosophe et un homme politique très apprécié. Son assassinat par des membres de l’extrême droite en 1922 fut l’un des meurtres les plus retentissants du XXe siècle, et c’est par ce triste destin que l’on connaît encore aujourd’hui le nom de Rathenau. Véritable héros, des milliers d’ouvriers le pleurèrent et une manifestation hors du commun fut organisée à Berlin le jour de ses obsèques. Issu d’une famille juive, fils d’Emil Rathenau, le grand magnat allemand de l’électricité, Walter Rathenau naquit le 29 septembre 1867, à Berlin, un an avant Fritz Haber. À 14 ans, il assista à la fulgurante carrière de son père, quand celui-ci eut la bonne inspiration d’acheter le brevet d’Edison. Brillant élève, il fit ses études à la Faculté des Sciences de Berlin et de Strasbourg. Après avoir, dès l’âge de 26 ans, fait ses armes à la tête d’une société d’aluminium, M. Rathenau père lui offrit en 1899 un poste important au sein de sa société d’électricité, l’A.E.G.

 

Stefan Zweig (1881-1942), qui le rencontra, et qui ne fut pas toujours tendre à son égard, comme le prouvent quelques notes issues de son journal, disait de lui dans Le Monde d’hier : « Toute son existence n’était qu’un seul conflit de contradictions toujours nouvelles. Il avait hérité de son père toute la puissance imaginable, et cependant il ne voulait pas être son héritier, il était commerçant et voulait sentir en artiste, il possédait des millions et jouait avec des idées socialistes, il était très juif d’esprit et coquetait avec le Christ. Il pensait en internationaliste et divinisait le prussianisme, il rêvait une démocratie populaire et il se sentait toujours très honoré d’être invité et interrogé par l’empereur Guillaume, dont il pénétrait avec beaucoup de clairvoyance les faiblesses et les vanités, sans parvenir à se rendre maître de sa propre vanité ».Rathenau2.jpg

 

De nombreuses choses ont été écrites sur la personnalité extraordinairement complexe de Rathenau, la plus documentée restant probablement celle de son ami le Comte Harry Kessler, l’un des plus influents mécènes de l’art moderne ; il lui consacra une biographie, traduite en français chez Grasset en 1933. Avant la guerre, Rathenau se fit l’écho de certains stéréotypes antisémites les plus grossiers. Il s’était imprégné des préjugés raciaux ambiants et avait fait siennes un certain nombre d’idées de Gobineau et de Houston Stewart Chamberlain. Et jusqu’en 1917, Rathenau établissait des liaisons épistolaires avec de nombreux partisans de la cause raciste, dont la plus saisissante est sans nul doute celle qu’il échangea avec son ami raciste Wilhelm Schwaner, auteur d’une Bible germanique, et qui rendit, dès les années 1917, le svastika hindou célèbre dans les milieux de l’extrême droite allemande. Svastika qui sera comme on le sait, choisi par Hitler pour symboliser le nazisme. Comme l’écrit le très Vieille-France Ambroise Got dans son livre L’Allemagne à nu publié en 1923 aux éditions La Pensée Française : « L’assassinat de Rathenau était prévu de longue date ; il était fixé au calendrier de la maffia réactionnaire. Non seulement certaines feuilles et des tracts infâmes poussaient à le tuer, mais encore un « hymne du renouveau » que chantaient les soldats de la Reichwehr et qui était devenu le chant de guerre de tous les membres des corps francs clandestins et des « Hakenkreuzler » ou nouveaux chevaliers teutoniques antisémites et antisocialistes qui, en guise d’emblème, portent la croix gammée ou svastika des anciens hindous ».

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9 octobre 2007 2 09 /10 /octobre /2007 00:30

Weizmann.jpgDifficile de ne pas admettre que Haïm Weizmann n’est pas l’un des plus grands héros du peuple juif. Je me souviens encore de ce que me disait une regrettée amie lorsque je lui parlais de ma décision d’introduire de façon plus importante dans ma bande dessinée la figure de Weizmann : « tu n’en parleras jamais assez bien », m’avait-elle confié. Je ne l’ai pas écoutée, comme on s’en doutera en lisant mes bandes dessinées, mais sa remarque m’est encore et toujours précieuse, car je sais qu’elle était loin d’être la seule à penser comme cela, et ce que représente, pour beaucoup de personnes, le bilan politique du plus important sioniste.
Avec Théodore Herzl, Haïm Weizmann fut le plus important des leaders sionistes. Si Herzl fonda le mouvement sioniste en lui insufflant l’espoir et l’élan nationaliste, Weizmann concrétisa le rêve de Herzl, et devint, à la fin de sa vie, le premier président du nouvel Etat d’Israël. Ben Gourion (1886-1973) disait à propos de ces deux grands hommes qu’ « il était difficile de trouver dans l’histoire d’une autre nation deux personnalités ayant exercé une influence aussi décisive sur la vie de leurs frères, bien qu’ayant été très différent non seulement par leurs capacités mais dans leurs rapports avec leurs peuple. Herzl venait du « dehors ». C’était un Juif assimilé, ignorant la culture de son peuple, et n’ayant aucun lien avec les masses juives. […] Les sentiments de Herzl avec ses frères étaient tout de compassion et d’amour, comme ceux d’un parent éloigné envers les siens. Les défauts du « caractère juif » lui étaient étrangers mais, même lorsqu’ils le heurtaient, il n’osait les critiquer car il ne se sentait pas complètement semblable à ses compatriotes et voulait éviter de les blesser. Weizmann était exactement son contraire. C’était d’abord un « Juif juif ». Né dans une petite ville de la « zone de résidence » juive en Russie, il fut élevé dans l’esprit des valeurs juives, parmi les masses juives. Il était imprégné des qualités d’intelligence et d’humour de son peuple et, bien qu’il ait étudié la culture occidentale et qu’il parlât les principales langues européennes : l’allemand, le français et l’anglais aussi facilement que le russe et l’hébreu, le yiddish resta toujours son moyen d’expression préféré, celui qui donnait toute la dimension de son esprit, de son humour, de son sens de la répartie. Herzl a trouvé le chemin d’Eretz-Israël à travers l’idée d’un état juif – une idée territoriale. Weizmann, au contraire, a découvert la voie d’Israël grâce à un lien messianique avec le pays d’Israël. Il fut nourri de l’amour du pays avec le lait de sa mère. Puis à l’école religieuse, par la langue hébraïque, par la prière juive – il s’identifia à ce pays, avec tout ce qu’une telle notion implique. C’est pourquoi il s’opposa si farouchement à la proposition d’établissement en Ouganda malgré son réalisme et son sens pratique. Dans son esprit « Eretz-Israël » était bien plus qu’un Etat et un sol. Pour cette raison, Weizmann fut le plus grand représentant du peuple juif vis à vis du monde extérieur ; ambassadeur auprès des Gentils, il était l’envoyé le plus doué et le plus fascinant que le peuple juif ait produit. Pour le monde, aucun autre Juif n’a été plus que lui l’incarnation même de notre peuple, de ses capacités, de sa volonté et de ses aspirations. Il fut peut-être le seul véritable ambassadeur du peuple juif à travers les générations. Weizmann impressionnait les Gentils par sa grandeur juive, sa profondeur juive, son pouvoir d’exprimer les émotions les plus intimes du peuple d’Israël ». Parallèlement à son activité sioniste, Weizmann fut également un scientifique réputé, au même titre que Fritz Haber. On verra dans le tome II à quel point Weizmann et Haber connurent des destins similaires, notamment quand tous deux, parallèlement, se brûleront à la question militaro-scientifique…

 
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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 01:41
Harden.jpgMaximilian Harden (1861-1927) est un personnage incontournable de l’Allemagne wilhelminienne, pamphlétaire et patron de presse connu par-delà les frontières allemandes, Harden était un grand esprit critique, à l’instar d’un Kraus en Autriche, ou d’un Shaw en Angleterre. Celui qui en a brossé le plus juste et le plus sensible portrait reste sans aucun doute Theodor Lessing, l’auteur de Der jüdische selbsthass. Lessing rencontra le polémiste à plusieurs moments clef de la vie de Harden qui, effectivement, fut un cas tristement représentatif de la « haine de soi juive », puisque toute sa vie, à l’instar de Haber, de Rathenau et de beaucoup d’autres juifs allemands de sa génération, la question juive resta pour lui une problématique douloureuse, jamais véritablement réglée. Né Félix Ernst Witkowski, Harden abandonna, tout comme ces trois autres frères, son véritable nom, par réelle honte du père (ses frères préféreront quant à eux le nom de Witting ; Harden choisit le prénom Maximilian, probablement en souvenir de Maximilien Robespierre). Harden débuta dans le théâtre, en jouant Shakespeare, Schiller et Goethe, puis dans le milieu des années 1880, grâce aux relations de l’un de ses grands frères, il intégra la rédaction du Berliner Tageblatt et plus tard celle de l’hebdomadaire Die Nation. Il travailla dans ces journaux en qualité de critique et de feuilletoniste, puis opta assez rapidement pour un ton beaucoup plus pamphlétaire, acide et méchant. En 1888 il publia sous le pseudonyme Apostata son premier recueil et devint plus connu et consacré que Heinrich von Treitschke (1834-1896), l’une de ses grandes idoles (Heinrich von Treitschke, historien prussien pangermaniste et penseur völkisch, ennemi de tout progrès, auteur d’une monumentale Histoire de l’Allemagne au XIXe siècle en cinq volume). En 1890, il commença à couvrir la politique de façon régulière et, un an plus tard, il lança son propre journal, la célèbre revue Zukunft. Harden était le héros de nombreux jeunes juifs allemands du début du siècle. Grâce à ses qualités évidentes de pamphlétaire et à sa plume acide, il incarnait pour de nombreuses personnes le courage journalistique. Quand il eut vent des pratiques homosexuelles du Prince Eulenburg, il parvint à le faire démissionner de ses fonctions d’ambassadeur à Vienne, et quelques trois années plus tard, vers 1906, il lança contre Eulenburg, par le biais de deux articles publiés dans la Zukunft, une seconde attaque, publique. L’attaque était d’importance et n’était par exempte de risques. Le 6 novembre 1907, un procès lié à une affaire d’homosexualité s’ouvrait. Il opposait le Chancelier von Bülow à un autre journaliste célèbre, l’éditeur de la revue ouvertement homosexuelle « Der Eigene », Adolf Brand. Adolf Brand, malheureux dans son procès, fut dès la première journée de procès condamné à 18 mois de prison fermes pour diffamation. Dans ses derniers jours, Rathenau, qui certes vécu assez mal son homosexualité, reçu Adolf Brand chez lui.
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