Dans Les Héros, je fais dire à Maximilian Harden, qu’il fut le créateur du mot « homosexualité ». En réalité, et contrairement à ce qu’il laissait croire, et bien qu’on lui doive la célébrité du mot, Maximilian Harden n’était pas le père du néologisme homosexualité, terme que l’on attribue généralement à Karl Maria Kertbeny, un berlinois d’origine hongroise, qui usa en 1869 pour la première fois du terme homosexualité, mot qu’il créa pour ne pas avoir à employer l’expression « impudicité contre-nature ». Marcel Proust, quand il cherchait le mot le plus adéquat pour définir un homme commettant un acte contre nature lors de son ébauche de la Recherche, jugeait : « Homosexuel est trop germanique et pédant, n’ayant guère paru en France – sauf erreur – et traduit sans doute des journaux berlinois, qu’après le procès Eulenburg ». L’Allemagne de 1871-1918 avait une relation toute particulière avec l’homosexualité puisque, dès 1871 et de façon unique au monde, s’est développé dans l’Empire une répression pénale, avec l’introduction au code pénal allemand du célèbre § 175, paragraphe qui condamnait tout acte sexuel entre hommes ainsi qu’entre hommes et animaux, et face à cette répression, naquit parallèlement une contestation soutenue par diverses personnalités éminentes, opposition qui s’est concrétisée par l’apparition des premiers mouvements homosexuels officiels. On assista donc à des procès retentissants, comme celui de 1869 qui vit le peintre Carl von Zastrow se faire condamner à quinze ans de travaux forcés pour violences et acte de sodomie sur un adolescent, alors que dans un même temps, les Allemands découvraient en 1891, Adolf Brand et Der Eigene, la première revue homosexuelle au monde, ou encore la naissance du WHK, Wissenschaftlich-humanitäres Komittee, le Comité Scientifique Humanitaire du docteur Magnus Hirschfeld, véritable mouvement homosexuel moderne qui s’opposa de façon affichée au § 175. Le scandale Krupp, du nom du grand industriel Fritz Krupp, ami de l’Empereur comme du prince Eulenburg, retrouvé mort dans sa chambre un jour de novembre 1902, émut la population quand les déclarations de sa femme Marga puis ceux beaucoup plus publiques du Vorwärts, journal social-démocrate berlinois, annoncèrent que Fritz Krupp tenait une double vie et organisait des parties fines homosexuelles dans sa villa de Capri.