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10 décembre 2007 1 10 /12 /décembre /2007 09:44
Theodor Lessing, grand admirateur de Harden dans sa jeunesse, parle de la Zukunft, le grand journal hebdomadaire berlinois lancé par Harden. Cela donne une manière simple et claire de comprendre ce qui fait le cœur de la vocation journalistique.
Zukunft.jpgLe grand développement de Harden commença en 1891 lorsqu’il créa sa propre revue, avec, à l’origine d’infimes moyens, grâce aux éco­nomies avancées par son frère Julien et le patron d’un kiosque à jour­naux, Stilke. La revue fut appelée Zukunft.
A cette époque, le conflit opposant le jeune empereur Guillaume II au vieux chancelier d’Empire Bismarck faisait rage. Harden mit sa re­vue au service de la politique bismarckienne sans toutefois aliéner son autonomie. Otto von Bismarck avait distingué la plume de Harden en raison de ses articles et de ses critiques. Renvoyé, abandonné par beau­coup, il se souvint de Harden et invita le jeune écrivain chez lui à Varzin. Peu après, Harden devenait membre du cercle des familiers de Bis­marck. Kurt von Schlözer, Franz Lenbach le peintre, Ernst Schwe-ninger le médecin devinrent ses proches amis. Et dans les modestes fas­cicules bruns de la Zukunft on brassait une politique anti-impériale, la meilleure de toute l’Allemagne.
Il serait faux cependant de ne retenir de la Zukunft que le fruit de l’alliance avec Bismarck. Harden veillait jalousement sur son indé­pendance et son incorruptibilité. Pas un camp, pas un parti qui eut pu se flatter d’avoir durablement influencé Harden. Surtout pour ce qui était de la politique sociale (il s’était rapproché du pasteur Friedrich Naumann), ses idées divergeaient de celles de Bismarck. Il soulignait toujours qu’il ne se sentait pas apte à « épouser les haines d’autrui », c’est-à-dire de conforter les hantises de Bismarck ; et pourtant il y avait UN point sur lequel il était à l’unisson avec le Vieux de Sachsenwald, d’une fidélité pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême: c’était la haine envers la personne de l’Empereur. Difficile de dire sur quoi se fondait son aversion.
Harden détestait l’emphase théâtrale et l’inconsistance de l’Empe­reur. Il était l’auteur du mot suivant : « Au vieil Empereur a succédé un sage Empereur et enfin un Empereur qui voyage. » Il critiquait les paroles creuses d’une politique de spectacle et de catastrophe, ainsi que cette façon de poser à l’homme fort dont l’humeur était imprévisible. Chaque déclaration du monarque suscitait chez Harden dérision et raillerie. La seule mention du nom de Harden éveillait le méconten­tement et la vindicte de l’Empereur. Progressivement, la Zukunft de Harden allait devenir le quartier général et l’instrument majeur des hauts dignitaires de l’Empire, de la noblesse prussienne, des militaires et de l’administration qui portaient un jugement critique sur la per­sonnalité de l’Empereur et qui étaient mécontents de son triompha­lisme. Vers 1900, Harden était devenu le publiciste le plus choyé des vieux conservateurs prussiens.
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