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27 mars 2008 4 27 /03 /mars /2008 13:24
figaro1901.jpgPar le jeu des citations que j'emploie dans mon récit, on aura compris très rapidement que je m'abstiens de diffuser des idées françaises. La seule citation française que l'on peut lire sur les 300 pages déjà publiées est celle, antisioniste, du journaliste juif Emil Berr dans le Figaro du 4 septembre 1897 :

Le sionisme - ne riez pas - s'est donné pour programme la reconstitution du royaume de Juda. L'invention est due à un petit groupe d'israélites spirituels et irascibles, qui ont rêvé de jouer aux antisémites du monde entier la farce De s'en aller, j'entends de s'en aller de partout, de déserter les insuffisantes ptries où la sécurité des consciences et des intérêts juifs semblent désormais en péril, et de se donner rendez-vous, à l'abri des malveillances et des haines en quelque coin vacant de Palestine ou d'ailleurs, où l'antique patrie juive serait, au profit de ses émigrants, recréée. Détail piquant : les plus empressés à saluer d'applaudissements les discours du docteur Herzl furent les antisémites ; Au fond, rien de plus naturel. La doctrine antisémite se réduit à ceci : les Juifs tiennent chez nous trop de place et il est urgent qu'on les mette à la porte. Un Juif survient qui propose à ses coreligionnaires de s'y mettre eux-mêmes : les antisémites trouvent l'idée géniale et en acclament l'auteur.

Émile Berr était un journaliste et critique littéraire français d'origine juive. Il écrivit, des années 1880 aux années 1900, pour les quotidiens et hebdomadaires La France du Nord, Le Petit Parisien, Le Figaro, etc. Dès 1894, Berr devint directeur éditorial auxiliaire au Figaro et créa le supplément littéraire du célèbre journal. Son frère, George Berr était un célèbre acteur de théâtre, connu du tout Paris.
Il peut paraître étonnant au lecteur d'aujourd'hui de découvrir la raillerie qui transparaissait des articles que Berr consacrait à la couverture de l'actualité sioniste de son temps. Mais il ne faut pas perdre de vue que de nombreux intellectuels juifs du XIXe siècle et du début du XXe siècle, en Europe occidentale principalement, à l'instar des Karl Marx ou des Karl Kraus, affichaient volontiers leur antipathie du juif, sans pour autant considérer leurs préjugés intimes comme une contradiction.
Comme le soulignait Léon Poliakov dans sa somme consacrée à l'histoire de l'antisémitisme, on pouvait « être Juif de naissance, et ne plus vouloir l'être », et, précisant, à propos de Marx : « N'aurait-il pas inconsciemment cherché à prendre ses distances par rapport au judaïsme, à produire son certificat de non-judéité ? » [1], réflexion se référant à la boutade de Heine qui se plaisait à dire qu'il « avait trouvé dans son berceau sa feuille de route pour la vie entière ».


[1] Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, tome III, de Voltaire à Wagner, Calmann-Lévy, 1968, pp. 435-436.


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commentaires

D
Enigmatique Matrok, <br /> Je pense exactement la même chose que vous. Et en me relisant je comprends que l’on puisse se méprendre car que je glisse un peu trop vite sur la notion du jüdische selbsthass et j’expose assez maladroitement le fil de ma pensée. J’aurais dû être plus long et mon raccourci n’est pas très heureux. <br /> En espérant que cette réponse vous convienne et que je ne sois plus tenu de vous prouver que je ne suis pas un pauvre type qui confond antisémitisme et antisionisme.
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M
Tout de même, j'ai du mal à comprendre pourquoi on devrait voir dans ce texte qui ironise sur l'absurdité apparente du projet sioniste la moindre "antipathie du juif", à moins d'assimiler comme trop souvent l'anti-sionisme et l'antisémitisme... Le projet sionisme était extrêmement controversé dans les différentes communautés juive en Europe. C'est le génocide, en faisant que les juifs n'étaient de fait plus en sécurité nulle part en Europe, qui a conduit a l'adhésion majoritaire au sionisme. Mais auparavant, même dans les pays où les juifs étaient fortement persécutés comme notamment en Russie tsariste, une grande partie des juifs n'étaient pas sionistes, même parmi ceux qui étaient politiquement organisés. Un mouvement comme le Bund, par exemple, était socialiste mais n'était pas sioniste...
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